LE BANQUET - SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT

Saturday 7 July 1990

100. Saint Pierre de Bessuéjouls

Samedi 7 juillet 1990

Espalion, 9 heures du matin. Le vieux pont enjambant le Lot ne laisse passer que les piétons. Magnifique, avec ces vieilles maisons les pieds dans l’eau. Le temps est superbe.

Visite du musée historique d’Espalion.

Il est midi. La visite de ce musée m’a pris beaucoup de temps. Il faut que je déjeune avant de repartir, mais atteindrai-je le but de mon étape ce soir ? Bah, qu’importe !

En plein soleil marchant, montant, suant, transpirant, souffrant… Mourir tout à coup à l’ombre de cette vieille église de Saint-Pierre de Bessuéjouls, joyau de l’art roman, chapelle haute dédiée à Saint-Michel au passage des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle, déjà là au IXe siècle.

J’ai demandé la clé à sa gardienne, je suis entré seul et je me suis retrouvé assis sur l’un des derniers bancs, le cœur serré entre ces pierres nues qui ont entendu tant de prières, sur ses hauts murs d’histoire accumulée, aux voûtes protectrices couvrant de leur silence l’ombre du pèlerin fatigué, au sommet de l’effort récompensé.

Au 1er étage du clocher, colonnes, plein cintre et quatre chapiteaux sculptés : Adam et Ève, le serpent, l’arbre du fruit défendu, l’arbre de la connaissance, sceptique. Deux anges tenant une coquille de Saint-Jacques, deux pèlerins un bourdon à la main. Une femme poisson, tenant de chaque côté de sa tête à chevelure tressée ses deux jambes écartées en arc de cercle, terminées par une queue de poisson et remontant jusqu’au niveau de sa tête. Elles sont retenues de chaque côté par deux bêtes à tête humaine, enlacées chacune par un serpent.

Je retrouve là ces marques de compagnons bâtisseurs, symboles celtes épargnés, intentionnellement placés à l’insu des moines bâtisseurs. Sur le dernier chapiteau : un homme à l’air déçu, les bras et les jambes écartés, debout derrière un arbre aux feuilles d’acanthe.

Curieusement plusieurs de ces corps sculptés portent un trou au haut de la poitrine, le premier d’une série d’anfractuosités pratiquées tout au long de la colonne, à espaces réguliers. Peut-être la trace d’anciennes fixations de parois de bois qui auraient disparu ?

Quatre meurtrières oblongues à arc roman primitif en plein cintre de grande épaisseur, aux longues pierres taillées dont la mesure doit être celle de la largeur du mur.

Oui, joyau d’art roman et si bien conservé. Un autel, inattendu en cet endroit, décoré de formes géométriques et de feuilles entrelacées. C’est la première fois que je vois un autel placé au 1er étage d’une église, difficilement accessible par deux escaliers latéraux étroits et raides. Des marches usées par les pas de milliers de pèlerins et de fidèles qui les ont montées et descendues jusqu’à presque les confondre en un plan incliné dégradé.

L’une des fenêtres à droite est marquée d’un arc brisé alors que toutes les autres ouvertures sont de plein cintre évasé. La seconde nef latérale à gauche du chœur a son entrée elle aussi en arc brisé et sa voûte est à double arcature.

Un petit enfant Jésus emmailloté, au sourire béat, regarde de ses yeux grands ouverts sa mère madone qui le berce de son silence ambigu.

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