SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT - SAINT-JACQUES-DE-COMPOSTELLE

Thursday 2 August 1990

131. De Saint-Jean-Pied-de-Port à Roncevalles

Jeudi 2 août 1990

Il est 15h40, je passe la frontière espagnole, déserte, simple barrière de barbelés entre deux pâturages, je ne suis d’ailleurs pas certain que ce soit là, rien ne l’indiquant …

La montée fut si rude que je n’ai pas eu le courage de parler dans mon dictaphone, et le paysage est si beau que le silence de mes yeux suffit pour une fois à l’enregistrer.

Au soleil, en rase colline, entre plusieurs cols raides à monter et descendre, sur un sentier caillouteux, ce n’est pas une promenade …

Il me reste maintenant deux bonnes heures avant d’atteindre Roncevaux, alors je ménage mes forces.

Je viens de prononcer mes premiers mots d’espagnol … en Espagne : «Buenas tardes» – «Buenas tardes» m’a répondu un vieux montagnard (contrebandier ?) qui remontait vers le col d’où je venais, son chien attendant un peu plus haut que son maître reprenne son souffle.

Le sentier redescend maintenant en pente douce vers le col de Roncevaux, mais je le vois qui remonte ensuite pour redescendre à nouveau. Depuis Saint-Jean, le GR65 est un vrai parcours de montagnes russes : une heure et quart jusqu’à Honto via Etchevestia, 90 minutes jusqu’à Itchachéguy au pied du pic d’Orisson, puis une demie heure jusqu’au col d’Hastateguy et encore une heure et demie jusqu’au col de Bentarte à la frontière après être passé au pied du pic d’Urdanasburu et de celui de Leizaratheca (1409 M). Encore une heure jusqu’à la route d’Orzanzurieta et maintenant encore une bonne heure jusqu’au col de Roncevaux, après celui de Ibaneta, et l’abbaye de Roncesvalles où je passerai la nuit.

D’ici je vois déjà l’abbaye de Roncesvalles en contrebas, qui se dégage peu à peu de la forêt, avec tous ses toits, ses clochers d’ardoise et de tuiles, une énorme construction comprenant de nombreux bâtiments, et Burguete au loin dans la plaine. Que c’est beau ! Après l’effort physique le réconfort esthétique, le cœur encore battant d’essoufflement. Ne pas courir cependant, au risque de trébucher sur une pierre en oubliant de regarder devant ses pieds … Dommage que nos deux yeux ne soient pas indépendants.

Le col de Roncevaux, ce fameux col qui hanta mon imagination enfantine nourrie de la chanson de Roland, est aujourd’hui assez quelconque : goudron, voitures et caravanes, touristes consciencieux allant et venant de la moderne chapelle à la grande croix en passant par le relais gastronomique. Pas de quoi s’arrêter, mais plutôt de se dépêcher de passer son chemin, sans trop s’attarder sur une histoire dont il ne reste rien.

Le sentier sous bois qui descend vers l’abbaye permet heureusement d’éviter la route en traversant une magnifique forêt de hêtres.

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