Jeudi 3 mai 1990
Sept heures et demie du matin. Me voici sur la route de ma prochaine étape. J’ai passé une très bonne nuit dans un très large lit, j’ai pris une très chaude douche et un très copieux petit déjeuner. Accueil charmant de la sympathique Magda, seule à me recevoir pour la nuit, ses patrons étant absents – je comprends mieux pourquoi mon ingénieur hier soir semblait avoir quelque difficulté à persuader son interlocuteur téléphonique de me recevoir. J’ai discuté une partie de la soirée avec cette jeune polonaise venue en France il y a neuf mois pour garder les enfants Mongaud et parfois leur maison, prête à retourner bientôt chez elle.
Maintenant je me sens mieux. Mon sac est toujours aussi lourd mais j’espère l’alléger à Nemours. Il fait beau et le soleil n’est pas encore chaud. Je longe des champs de blé, la campagne devant moi s’enfuit à l’horizon. La France est belle. J’espère tenir le coup au cours de cette longue étape qui me verra traverser un petit morceau de la forêt de Fontainebleau et – ce bruit sourd au loin – l’autoroute du sud.
Les premiers genêts subissent comme moi le ballet tonitruant de motards de la gendarmerie en exercice dans les lacets de la petite route habituellement déserte que je suis. Me promènerais-je inconsidérément au cœur de cette zone militaire indiquée sur ma carte ? C’est bien possible. Mes apprentis motocyclistes, eux en tout cas, n’en ont cure, profitant de leur bon droit pour me faire peur à chacun de leur passage.