25. Départ de Vézelay

Jeudi 10 mai 1990

Il est midi, je bois une tasse de thé après mon frugal repas pris dans la vaste cuisine. Ce matin j’ai perdu les lettres que j’avais écrites et adressées à des amis et je n’arrive pas à me rappeler si elles étaient déjà timbrées. Je me suis un peu énervé à la poste en essayant de capter les messages de mon répondeur, l’écouteur d’une main, un stylo de l’autre et un papier quelque part qui s’enfuyait à l’approche de ma plume. Alors que j’avais les pires difficultés à les transcrire pour ne pas les oublier, il m’était impossible de les effacer de mon répondeur. Quant à la bande-annonce que je me proposais de changer au fur et à mesure de mes déplacements, je devrai la supporter jusqu’au bout, à moins que Jérôme n’intervienne en direct à domicile. Aigres aléas d’une technique avancée.

Pour l’heure je me prépare à partir. J’ai passé à Vézelay un moment inoubliable. La journée est très avancée mais je n’ai pas perdu mon temps.

À un autre moment j’aurais peut-être compté les vaches de ce pré (dénombrer, une autre manie de l’homme), mais vraiment, en ce moment, je n’en ai pas envie. Couchées après le dur labeur de leur rumination post-brouteuse de la journée, elles se reposent, béates d’ignorance quant à la fin qui les attend.

Je n’en peux plus, j’arrive à Quarré-les-Tombes sur les genoux. Je n’ai rien trouvé depuis Vézelay pour m’abriter, me reposer et me restaurer ; je suis toujours dans l’Yonne : gens bornés, bouchés, égoïstes et méchants, comme leurs chiens hargneux. Pèquenots plus profonds que la mare la plus dégueulasse de leur putain de fumier de merde. Ah, ça va mieux, j’ai évacué ma petite bile !

Partager cette page Share