26. Quarré-les-Tombes

Vendredi 11 mai 1990

25 km en une après-midi, chapeau… Cette sacré bonne femme qui n’a pas voulu que je plante ma tente dans son pré parce qu’il y avait des vaches dedans, parce que le patron ce n’était pas elle, parce qu’elle ne pouvait rien faire sans lui, la conne.

Quarré-les-Tombes (qui doit son nom à la grande quantité de tombes du Moyen Âge qu’on y a trouvées), mercredi 11 mai, 8 heures du matin. Départ frais et dispos après une nuit apaisante à l’Hôtel du Nord. L’étape de Saulieu sera moins pénible je crois, moins de 30 km et par de jolies routes, d’après ce que m’a dit le patron-cuisinier-chef-directeur-barman de l’hôtel ce matin, tandis que je lui réglais ma facture. Je ne suis pas mécontent de quitter ce pays qui, à part l’abbaye de Vézelay et son centre d’accueil, ne m’a apporté aucune satisfaction et m’a beaucoup déçu : j’ai réalisé à mes dépens ce que peuvent être encore certains paysans français, certains départements ruraux.

Même Vézelay – moins que Lourdes toutefois – doit avoir des allures de cité touristique aux jours de grande affluence. À côté de son air bon enfant, rien de véritablement religieux ni mystique n’apparaît, hormis les quelques cantiques chantés au cours des offices du centre d’accueil. Les sœurs elles-mêmes, en civil, n’ont rien de très pieux. Elles avaient plutôt l’air d’accomplir une tâche qu’on leur avait demandé de faire, sûrement pas le bon Dieu. Mais c’est la tradition et puis ce sont de bonnes organisatrices de voyages groupés préparés à l’avance. Aussi leur vie quotidienne n’a-t-elle rien de particulièrement monastique. Leurs tâches sont plus sociales et concrètes, si comme je le crois ce sont elles qui s’occupent aussi de l’hospice d’en face. De bonnes ménagères ponctuelles solidement attachées à leurs vœux d’obédience rituelle.

Si je pense à une abbaye cistercienne, celle de Tamié par exemple, aucune comparaison n’est possible : j’y ai senti là-haut tout au long de la journée et même la nuit – comme une infusion – cette présence divine qui habite constamment le cœur de ses moines silencieux qui approchent dans la joie et la paix, de façon plus certaine, même à distance, ceux qui souffrent, ceux qui ont besoin de consolation, et ceux qui comme moi cherchent un moment d’espace serein. Parce qu’on sait qu’ils sont là et parce qu’on sait qu’ils passent leur temps à prier pour nous.

J’ai été heureux, certes, de revoir l’abbaye de Vézelay mais davantage pour son architecture et son histoire, car rien ne m’a vraiment inspiré, spirituellement parlant.

Et l’Yonne bat certainement la Haute-Vienne ou la Creuse pour son inhospitalité.

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