84. Tian An Men

Dimanche 3 juin 1990

Midi, jour de la Pentecôte. Triste anniversaire de Tian An Men, mais l’espérance divulguée par tous les apôtres de la liberté à travers le monde.

Parti de Saint-Flour de bon matin, en plein brouillard, je n’ai pas eu à me plaindre du trafic, encore léger à cette heure, sur la RN 9. Des gendarmes m’ont interpellé peu avant Garabit, mais gentiment. C’était la première fois depuis la Côte-d’Or. Au restaurant Beau Site, j’ai demandé l’assiette de crudités maison, une truite aux lardons, je choisirai tout à l’heure mon fromage et un dessert, j’ai choisi un demi saint-pourçain … Cette partie de voyage s’annonce assez gastronomique. Mais à partir des Cévennes j’allégerai mon alimentation et je m’arrêterai moins souvent dans les hôtels. Car je suivrai l’un des vrais chemins de Saint-Jacques de Compostelle, celui qui part du Puy et passe à Conques, Figeac, Cahors et Moissac, jusqu’à Saint-Jean-Pied-de-Port à la frontière espagnole.

Cette marche à pied à travers la France m’a révélé bien des aspects nouveaux – en dehors de certaines retrouvailles heureuses – de cette France rurale parfois méfiante. Je n’ai pas eu jusqu’ici à me plaindre de mauvaises rencontres, ni de mépris à mon égard, en raison de mon accoutrement et de mon allure de vagabond solitaire. Les automobilistes eux, se montrent pour la plupart hostiles à toute présence humaine pédestre sur leur propriété routière, vagabond ou non.

Une pure merveille, ce pont de Garabit. Je comprends mieux, maintenant que je le revois, pourquoi on n’en fabrique plus de nos jours. Il ne reviendrait pas plus cher que nos piliers actuels de béton, mais son entretien serait peut-être excessif. Le poids d’un train passant de temps en temps n’a rien à voir avec les vibrations permanentes d’un flot de véhicules rapides et trépidants. Tout de même, l’arcature massive de nos ponts actuels ne remplacera jamais la dentelure eiffelienne des viaducs métalliques.

Le brouillard de ce matin s’est levé dès que je suis sorti de la vallée de Saint-Flour et la pluie tombée cette nuit a fait place à un ciel mitigé de soleil et de nuages. Le site de Garabit est exceptionnel. Dommage que le niveau du lac de barrage de la Truyère soit si bas. Mais on la voit qui se dandine dans la vallée, tel un long serpent de mer couché et endormi entre les sapins.

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