91. Fin de la première étape

Jeudi 7 juin 1990

D’un village paraissant désert surgit soudain un troupeau de moutons en travers de la route, entre deux bergers et deux chiens.

J’ai mis deux bonnes heures à descendre ce fichu col mais je me sens à présent en territoire connu : Espagnac, les gorges du Tarn et le chemin de Sainte-Énimie à Millau. Florac, de l’autre côté, est à 8 km.

Ah zut ! Le vent a emporté une de mes chaussettes que je faisais sécher sur un mur et elle est tombée dans un jardin … dix mètres plus bas. J’ai sonné à la porte et la dame qui m’a ouvert n’a pas tout de suite compris que je lui demandais la permission d’aller chercher ma chaussette dans son jardin. Mais elle a fini par me dire, pleine d’indulgence : «Oui, oui, faites donc». J’ai emprunté son joli escalier sous la broussaille et un petit sentier tout encombré de fleurs qui tournait tout autour de sa maison en surplomb, dominant le Tarn tumultueux. Je finis par atteindre le pied du mur où ma chaussette alanguie attendait que je vienne la chercher.

Afin de ne pas faire un long détour jusqu’au premier pont de Florac franchissant le Tarn alors que je me trouvais juste en face du Jouquet, j’ai traversé la rivière en crue presqu’à la nage pour me rendre chez Françoise.

Montant l’escalier, j’entends le rire merveilleux de Françoise.

  • Bonjour ma nièce-filleule. Tu faisais la sieste ?
  • Non, pas du tout.
  • Tu m’attendais ?
  • Regarde, Jérémie, qu’est-ce qu’il fait Ritou ? Il monte les escaliers ?
  • Vous m’aviez vu arriver ?
  • Non, mais c’est depuis ce matin qu’il dit ça en t’attendant
  • Ah bon, mais alors vous auriez pu venir à ma rencontre…
  • Mais aurait fallu…
  • Bonjour Jérémie, sais-tu comment j’ai re¬trouvé l’appartement ?
  • Non.
  • Et bien, j’ai demandé au petit… maghrébin, en bas : «Où il habite Jérémie ?» et il m’a tout de suite montré où c’était.
  • Forcément, il connaît.
  • Tu m’embrasses ?… Il ne me reconnaît pas avec ma barbe toute blanche.
  • Mais si, il te reconnaît bien…
  • Je ressemble au père Noël, non ?…

Mon dictaphone à la main, un peu plus tard.

  • Là, j’enregistre, tu vois, ça tourne tout douce¬ment. Maintenant, je mets le micro, regarde, toc toc toc. Là, c’est le haut-parleur, si tu tournes ce bouton, le son augmente. Tu peux le mettre dans ta poche… Écoute, on entend maintenant notre conversation. Eh oui, l’ennui c’est qu’on entend aussi tous les autres bruits (bruits de chaises).

Pour une fois, les silences ont été plus loquaces. Et enfin, là, j’ai éteint mon dictaphone.

Arrivé le 7 juin, j’ai interrompu mon pèlerinage pendant quatre semaines au cours desquelles je suis allé à Genève pour le mariage d’Olivier et Stella, puis à Montpellier pour rencontrer mes nièces et petites-nièces de Nouvelle-Calédonie.

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