104. Entre Espeyrac et Conques

Lundi 9 juillet 1990

Sur le GR65, 10 heures du matin, à mi-chemin entre Espeyrac et Conques, pause sous les sapins.

Des marcheurs viennent de me dépasser, dont deux suisses rencontrés hier, et un couple qui fait un bout de route à pied. Lui, médecin a travaillé avec Médecins du monde et pour le DEFAP (Service Protestant de Mission). Il m’a promis l’adresse d’une association qui recrute des professeurs retraités pour le tiers monde. Et deux campeurs (qui mettent deux heures à s’installer et autant à décamper). Ils ne sont pas loin devant moi. Je vais probablement les rattraper. Ah zut ! mon lacet s’est défait.

Je n’arriverai pas à Cahors avant le 14 juillet. Ça sera juste pour le rendez-vous prévu au château de Cahuzac. Je prendrai plutôt le train à Figeac pour Capdenac ou Cordes puis en car ou à pied, ce n’est pas trop loin. Mais il faut absolument que je prenne contact avec Michelle à Paris pour savoir si j’ai reçu des messages et avec Olivier pour avoir des précisions sur le lieu de notre rendez-vous, ainsi qu’avec Jérôme. Il y a aussi Laurence qui comptait venir me rejoindre à Cahors.

Je vais complètement changer de vêtements. Je m’achèterai un pantalon léger en toile grège ou kaki avec de grandes poches sur les côté ; mon blouson, je le garderai, bien qu’il soit un peu chaud, mais il me sera utile dans les Pyrénées. Ce que je voudrais c’est changer de sac de couchage car celui que je trimballe depuis des années, bien qu’il soit en vraies plumes d’eider, est lourd et encombrant. Mais je porte quand même mon sac plus allègrement depuis quelques temps, alors…

Ma reprise de marche a été dure, surtout les deux dernières étapes de 30 à 40 km chacune.

La pause est finie, allez, on continue…

Le sentier suit la crête entre un champ de blé et un champ de maïs, séparés par une barrière et une rangée de cerisiers sauvages. C’est superbe : une vue sur trois côtés. Des cyclistes me rejoignent au moment de traverser la route. Eux ne peuvent pas rouler sur les sentiers que je suis pour l’instant. C’est mon avantage, mais il n’y en a pas assez, de ces chemins réservés aux piétons. D’autant plus que maintenant il y a des 4x4 qui vont partout, on reconnaît leurs traces et les ornières que leurs larges pneus creusent sur la terre instable, ou celles de tracteurs sans beaucoup d’égards pour la nature.

On se cogne parfois à de curieuses rencontres sur ces sentiers abandonnés, où ne passe plus personne. Ainsi, là, sous mes pieds, tout à coup, au milieu du chemin recouvert d’herbe, une grande plaque de ciment à couvercle cerclé de fer donnant accès à je ne sais quel mystérieux souterrain, une conduite peut-être, que les employés des eaux auront bien du mal à repérer, s’ils ne l’ont pas définitivement oubliée.

Au sommet d’une crête, je contemple les deux versants : à gauche, une vallée profonde, peut-être celle de l’Ouche qui mène à Conques ; à droite, un horizon plus éloigné du côté de l’Yvette.

Sur le joli sentier qui descend dans la vallée, un homme – inattendu – nettoyant les haies et dégageant le passage. C’est un étudiant, employé municipal temporaire, chargé de cette champêtre voirie au cours de l’été. Il avait je crois besoin d’encouragements, se sentant un peu seul et encore bien loin du bout de ses peines. Maintenant je marche dans une allée bien propre, mais parfois une branche de genêt, de myrte ou d’aubépine dépasse un peu : on ne peut demander trop de rigueur à sa maigre faucille. Il n’avait même pas de sécateur.

Conques est vraiment bien cachée au creux de sa coquille végétale. On n’aperçoit les premières maisons qu’au tout dernier moment : des villas isolées pour commencer, le bourg lui-même toujours invisible, malgré la route que je viens de reprendre. Trois dames se promènent nonchalamment avant leur repas de midi. Un air de villégiature…

Cette fois je crois que nous y sommes, mais non, ce ne sont encore que les faubourgs semble-t-il. Sur la grand-rue en contrebas des gens se promènent en touristes peu pressés. Le gros du bourg doit être plus loin, derrière cette proéminence…

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