SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT - SAINT-JACQUES-DE-COMPOSTELLE

Saturday 4 August 1990

134. De Pamplona à Cizur Menor

Samedi 4 août 1990

Assis sur une grande vanne de conduite d’eau au-dessus du rio Arga, je le regarde couler du haut de mon promontoire, à l’ombre des sapins. Il y a hélas trop de bruit de voitures de l’autre côté de la rivière mais qu’y faire ? Au moins, ici, je suis à peu près tranquille. Le soleil est apparu depuis un moment déjà mais il ne fait pas encore trop chaud. Ma première pause du matin après deux heures de marche ininterrompue. Tout est bien autour de moi, on sent qu’on le tient à cœur ce chemin de Compostelle ici en Navarre où tant de bonnes volontés s’en occupent, où l’on se préoccupe du confort des pèlerins, où l’on peut voir partout ces marques de reconnaissance : multiples flèches jaunes ou rubans oranges avec la mention Camino de Santiago, probablement sponsorisés par quelque agence de voyage ; mais pourquoi pas ? Ici on facilite la vie des «refugios» qui sont heureux de se retrouver à l’issue d’une journée de marche pénible et fatigante, souvent très chaude.

Hier, l’Alcalde nous avait reçu chaleureusement, nous donnant moult détails sur le passé de sa commune, les chemins que lui-même et ses collègues avaient améliorés, les points de repère qu’il est bon de connaître à l’avance pour ne pas risquer de faire fausse route. Mais ils sont si bien marqués ces chemins par ici qu’il serait difficile de se perdre, sauf si on décide d’en prendre un autre, à ses risques et périls.

Ce geste des deux mains recueillant quelques grains
sur l’épi dans le champ oublié.
Ce geste des deux mains apaisant la douleur
de ses jambes fatiguées.
Ce geste des deux mains serrées l’une contre l’autre
répondant à l’appel de l’ami égaré.
Ce geste des deux mains jointes en forme de coupe
pour se désaltérer.

Seuls ceux qui ont suivi les sentiers de montagne et les sentes forestières, longé le bord des rivières et traversé de silencieux villages savent encore parfois ressusciter ce geste si simple et naturel de l’homme proche – si proche – de la terre qui le porte …

Ces jolies chapelles de Navarre, qui ont remplacé le clocher traditionnel par une tour carrée trapue, montrent fièrement leurs cloches suspendues au bord de leur toit ajouré.

En plein centre de Pamplona, dans le parc de la Citadelle, midi. Je viens de faire quelques courses en traversant la ville avant de continuer vers Cizur Menor. Avec mon gros sac sur le dos, je ne sais pas trop où me diriger. J’ai quand même visité la cathédrale où j’ai pu faire timbrer une fois de plus ma credencial, ce qui m’a permis d’admirer un magnifique retable de style rococo derrière le chœur et les grands fauteuils de velours rouge bien alignés dans la salle capitulaire. Entre les deux, de chaque côté de l’entrée, deux anciens confessionnaux au bout d’un étrange corridor, non pas celui de la tentation, mais celui du repentir des hauts dignitaires de l’Église devant leur évêque avant une séance à huis clos de condamnation morale. L’acte d’humilité consenti avant celui de sévérité nécessaire.

Dans cette majestueuse cathédrale de style gothique flamboyant à hautes voûtes en arcs brisés, j’ai eu droit à une ébauche de concert d’orgue liturgique avant le mariage qui se préparait dans les coulisses. Déjà sur le parvis une petite foule était amassée, curieuse et patiente.

Le cloître très austère et nu ne m’est pas apparu aussi romantique et enchanteur que les cloîtres romans, plus humbles et plus humains aussi, peut-être.

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