Pèlerinage méditatif déambulatoire

Sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle (1er mai - 29 août 1990) - Carnet de route posthume d'Henry Pasteur (1924-2005)

Tuesday 1 May 1990

1. Paris (Tour Saint-Jacques) - Forêt de Sénart

Mardi 1 mai 1990

Dix heures, une longue pause après trois heures de marche. Parti à 7 heures de la tour Saint-Jacques, 9 kilomètres, Choisy-le-Roi. Dans l’herbe, sous les arbres, quelques bruits de voitures, mais je ne suis pas encore prêt à méditer. Je dois m’habituer à mes pieds, à mon sac, à tout, quoi !

À 12 km de Paris, au bord de la Seine, un parc public, utilisé seulement par des immigrés nord-africains qui font la causette sur un banc ; une douzaine d’enfants autour de «maman boubou» prennent du soleil ; trois pêcheurs à la ligne viennent d’arriver ; ils avancent lentement et silencieusement le long du fleuve étale qui miroite de lumière matinale. Y aurait-il encore quelques poissons comestibles en Seine ? (cris d’enfants jouant)

Grands immeubles de la banlieue de Paris, des tours, un pont, beaucoup de voitures que ne je n’entends pas, et moi, qui suis là, déjà presque à la campagne !

Chanson : «Un moyen pour avancer et qui doit être le nôtre, c’est d’mettre un pied devant l’autre, et de recommencer, une deux, une deux».

Cri du coucou, annonce de beau temps.

Quand je vois passer toutes ces bicyclettes, une histoire me revient en mémoire : il y a bien longtemps, encore étudiant en théologie et faisant de l’auto-stop du côté de Poligny pour me rendre au Chambon-sur-Lignon. C’était une petite route qui traversait une forêt. Je me reposais lorsque j’aperçois soudain une jeune fille à bicyclette qui s’arrête et me demande où je vais. Elle avait abandonné sa moissonneuse-batteuse, elle en avait eu assez, alors elle était partie sans rien dire à personne faire un petit tour, mais à présent il lui fallait rentrer. Alors elle me propose de mettre mon sac sur sa bicyclette et nous avons marché ainsi un moment. Mais bientôt, on s’est dit après tout, pourquoi ne pas nous mettre tous les deux dessus et, cahin-caha on a roulé ainsi, elle debout sur les pédales, moi assis sur la selle. Dans la descente ça allait bien, dans les montées un peu moins, pour finir dans le bois, au milieu d’un champ d’orties !

Ici, je suis dans les anémones, il y en a tout le long du chemin.

7 heures du soir. Les gens rentrent chez eux et moi j’rentre dans les bois (Forêt de Sénart).

Allons, un petit effort. Ce sont mes épaules qui me font le plus souffrir, les sangles de ce sac qui pèse bien le double du poids que j’avais prévu au départ. C’est dur le premier jour, toutes ces banlieues à traverser, en plein après-midi, sur une grande route nationale où je risquais de me faire happer par une voiture en folie. Enfin, je suis tout de même arrivé dans ce bois mais je n’aurai guère fait plus de 20 km au podomètre. J’ai pourtant l’impression d’en avoir fait beaucoup plus.

La méditation, pour aujourd’hui, et bien sera surtout une méditation sur mes pieds, mes cuisses et mes épaules. J’espère quand même que j’aurai ces prochains jours fait le tour de mon corps et que je pourrai passer au tour d’esprit !

Les oiseaux chantent. Au loin, beaucoup de bruits d’avions ; des gens s’en vont très loin. Quand j’étais là-haut, pour l’un de ces vols qui m’amenaient en Asie ou en Afrique, je pensais parfois à ces piétons marchant sous bois. À leur tour maintenant.

Il est bien mon petit dictaphone, dès que je parle trop faiblement, il s’arrête, ce qui me «réveille» et m’oblige à «penser» un peu plus fort.

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