Tuesday 1 May 1990
Mardi 1 mai 1990 Dix heures, une longue pause après trois heures de marche. Parti à 7 heures de la tour Saint-Jacques, 9 kilomètres, Choisy-le-Roi. Dans l’herbe, sous les arbres, quelques bruits de voitures, mais je ne suis pas encore prêt à méditer. Je dois m’habituer à mes pieds, à mon sac, à
Wednesday 2 May 1990
2. Etiolles
Mercredi 2 mai 1990 Je suis sur la route d’Étiolles à la sortie de la Forêt de Sénart. J’ai dormi chez un ingénieur que j’ai rencontré hier assez tard au moment où j’allais m’arrêter pour planter ma tente. Il m’a gentiment invité chez lui pour camper sur sa pelouse. Ses deux filles ont préparé à
3. Corbeil-sur-Seine
Mercredi 2 mai 1990 Corbeil-sur-Seine, un petit bistrot à 9 heures du matin. C’est encore Madame qui est derrière le comptoir. Son mari ne viendra que plus tard, tout bouffi de sommeil. Quelques habitués : une femme, deux hommes et le patron conversent de choses et d’autres. Dehors, un bruit soudain
4. Seine-Port
Mercredi 2 mai 1990 Le petit bar de Seine-Port : l’intrus venant d’ailleurs et, au comptoir plusieurs personnes accoudées. Il est un peu plus d’une heure, l’heure prolongée de l’apéritif. Je m’adresse au patron, jeune aux légères moustaches, jovial : «Est-il possible de manger quelque chose ?» –
5. Ponthierry
Mercredi 2 mai 1990 Je n’aurais jamais dû accepter l’invitation des amis de l’ingénieur, j’ai encore une sacrée trotte à faire avant de les atteindre et il est déjà 4 heures. Mais comment faire autrement ? Il avait déjà fini de téléphoner quand il me dit que son ami m’attendrait ce soir à
6. Perthes-en-Gâtinais
Mercredi 2 mai 1990 Je suis à l’entrée de Perthes-en-Gâtinais. Ah, ces villages qu’un écriteau annonce des centaines et des centaines de mètres avant ! Il me faudra faire encore un km avant d’atteindre le centre. Comme il y a de plus en plus de nouveaux quartiers qui se construisent à la périphérie,
7. Fleury-en-Bière
Mercredi 2 mai 1990 Fleury-en-Bière. Ce n’est guère fleuri et je suis presqu’en bière ! Si je mettais les pieds dans une marmite après une journée de marche comme celle-là, je crois que je ferais monter la température de 10°. Il n’y a rien de meilleur en tout cas que de les rafraîchir à l’eau d’une
Thursday 3 May 1990
8. Saint-Martin en Bière
Jeudi 3 mai 1990 Sept heures et demie du matin. Me voici sur la route de ma prochaine étape. J’ai passé une très bonne nuit dans un très large lit, j’ai pris une très chaude douche et un très copieux petit déjeuner. Accueil charmant de la sympathique Magda, seule à me recevoir pour la nuit, ses
Friday 4 May 1990
9. Nemours
Vendredi 4 mai 1990 Au bord du Loing, à quelques kilomètres de Nemours, sur la N 7 que je suis obligé de suivre jusqu’à Bagneux car aucun sentier n’est tracé le long de ses berges. Dès que je pourrai traverser, je longerai son autre côté. Je suis arrivé hier à Nemours fourbu, je n’en pouvais plus.
10. La Madeleine
Vendredi 4 mai 1990 La Madeleine, un petit village bien net et sa chapelle ouverte où je peux reposer au frais mon corps endolori. Dans le chœur, derrière l’autel et ses quatre chandeliers, un tableau représentant une table sur laquelle repose une bible. Un autre entre deux vitraux non colorés à
11. Le canal du Loing
Vendredi 4 mai 1990 Un bon bain dans le canal du Loing. Ouf et plouf, j’ai posé mon sac au pied du 26ème platane et mon cul sur l’herbe, les pieds dans l’eau. Je suis du côté du soleil, j’ai chaud et froid, c’est délicieux. Après une demi-heure de marche en pleine chaleur. Je ne me suis pourtant pas
Saturday 5 May 1990
12. Bois-le-Roi
Samedi 5 mai 1990 Un joli bourg, ce matin au lever du soleil, une rue de vieux quartier encore désert, le couvent, l’église romane, la mairie, l’esplanade où quelques pêcheurs s’apprêtent à rejoindre leur lieu préféré. Un beau matin encore frais, sur le sentier qui m’attend en forêt. Si je peux
13. Griselles
Samedi 5 mai 1990 Après un bon petit déjeuner pris à Griselles, me voici sur la route de Courtenay. N’allez pas croire que je vais vous raconter comme ça tout le long de mon voyage les petites histoires de ma vie quotidienne et toutes mes observations bénignes, non, non, je l’ai fait jusqu’ici pour
14. Chuelles
Samedi 5 mai 1990 Une affiche. Chambon-la-Forêt. Fête des artisans. Majorettes, chauffards, cracheurs de feu, hommes orchestre, tout y est. Attractions de fête foraine, concours, tombolas. Chambon : «l’eau minérale naturelle tirée des profondeurs de la forêt…» Aïe, ma jambe gauche, non ma jambe
15. Douchy
Samedi 5 mai 1990 Dans ces coins-là, pour ceux qui se souviennent de la guerre de 14-18, pour ceux qui ont traversé celle de 40-45, l’unification de l’Allemagne ne peut amener qu’à une nouvelle invasion. Le FN peut donc facilement persuader de voter pour lui. Mes deux braves paysans de tout à
Sunday 6 May 1990
16. Arrivée dans l’Yonne
Dimanche 6 mai 1990 Aujourd’hui 6 mai, 7 heures, je m’en vais après une bonne nuit de sommeil précédée d’un copieux repas. Il fait beau, juste quelques nuages à l’orient où le soleil apparaît par intermittence. Je me sens bien (bruit de mes pas et chant du coucou). (Mon dictaphone a parfois des
Monday 7 May 1990
17. Fontenoy
Lundi 7 mai 1990 Hier soir à Toucy un jeune couple m’a proposé de dormir chez lui, dans un hameau voisin où il était en train de rafistoler une vieille maison et bâtir leur enthousiaste avenir. J’ai dormi dans le grenier. Elle est éducatrice à Joigny, lui je ne sais pas. Ils dormaient encore ce
18. Levis
Lundi 7 mai 1990 Eh bien, ce bar-restaurant de Levis ouvert 7 jours sur 7 était parfait. Au bar une jeune femme de Paris ayant travaillé à Rungis l’an dernier, avec un tatouage sur le bras gauche. Elle m’a parlé un peu des gens d’ici ; racistes, anti-arabes, et de la bonne – pas si bonne que ça –
19. Méditation sur la chaleur
Lundi 7 mai 1990 Sur le chemin de Lain à Druyes, ma première vraie montée ; ce n’est pas encore là que je vais entreprendre ma méditation déambulatoire. Il fait chaud, toutes mes sensations se relativisent ; j’ai chaud maintenant parce que tout à l’heure j’avais froid, et dans un moment lorsque je
20. Retour à Fougilet
Lundi 7 mai 1990 Et bien ça alors, me voilà revenu à Fougilet ! Ce n’est pas possible, je n’y comprends rien ! Aurais-je pris la direction inverse sans m’en apercevoir ? J’en tombe des nues. Merde, tout ça à refaire, pff…, je ne devais pas être bien réveillé quand je me suis remis en route tout à
Tuesday 8 May 1990
21. Druyes-les-Belles-Fontaines
Mardi 8 mai 1990 Voilà une semaine que j’ai quitté Paris. J’ai campé hier soir dans le pré d’une dame qui a bien voulu m’y laisser pénétrer. J’étais juste à côté du fameux château dominant le village de Druyes-les-Belles-Fontaines, sur un mamelon qui porte encore quelques vieilles maisons de
22. Andryes
Mardi 8 mai 1990 Pour une fois je ne me suis pas aperçu de la longueur du chemin. Je suis arrivé à Andryes sans m’en apercevoir, butant presque contre son écriteau. Mes élucubrations matinales m’ont aidé à marcher. J’ai trouvé le bistrot-restaurant qui m’a fourni le petit déjeuner que j’attendais.
23. Lucy
Mardi 8 mai 1990 Je devrais me faire raboter la vertèbre dorsale qui me chatouille. Mon sac pourtant ne frotte pas contre elle mais ses sangles doivent la comprimer de chaque côté, en tout cas je n’arrive pas à éliminer la douleur qu’elle me procure, malgré toutes les contorsions de mon dos, douleur
Wednesday 9 May 1990
24. Arrivée à Vézelay
Mercredi 9 mai 1990 Vézelay, aux environs de midi. Je suis allongé sur la couchette d’une cellule monastique, au foyer de la Madeleine qui reçoit généreusement tous les pèlerins venant de tous les coins d’Europe et du monde, en route pour tous les lieux saints de la terre, Lourdes, Rome, Fatima et
Thursday 10 May 1990
25. Départ de Vézelay
Jeudi 10 mai 1990 Il est midi, je bois une tasse de thé après mon frugal repas pris dans la vaste cuisine. Ce matin j’ai perdu les lettres que j’avais écrites et adressées à des amis et je n’arrive pas à me rappeler si elles étaient déjà timbrées. Je me suis un peu énervé à la poste en essayant de
Friday 11 May 1990
26. Quarré-les-Tombes
Vendredi 11 mai 1990 25 km en une après-midi, chapeau… Cette sacré bonne femme qui n’a pas voulu que je plante ma tente dans son pré parce qu’il y avait des vaches dedans, parce que le patron ce n’était pas elle, parce qu’elle ne pouvait rien faire sans lui, la conne. Quarré-les-Tombes (qui doit son
27. L'automobiliste
Vendredi 11 mai 1990 L’automobiliste est une espèce animale qui n’a plus grand chose à voir avec la gent humaine. Enfermé dans sa boîte à pédales, il semble oublier totalement son origine pédestre. Il roule enfermé dans un espace clos comme lui sans plus se préoccuper des êtres extérieurs qu’il
28. L'homme et la nature
Vendredi 11 mai 1990 Il y a ici une stèle commémorant le 1er parachutiste anglais largué dans le maquis du Morvan. Décidément l’homme est bien étrange. Il luttera des années durant et jusqu’à la mort pour sauver sa liberté, et une fois rétablie, il ne sait plus quoi en faire, il la vilipende,
Saturday 12 May 1990
29. Ethique et politique
Samedi 12 mai 1990 Puisque le cordonnier de Saulieu m’a pris pour un peintre, alors c’est que je suis peintre. Lui, en tout cas, est poète. Resté là pour reprendre à son compte l’échoppe de son patron à la retraite plutôt que d’accepter l’offre alléchante que lui fit le gérant d’une grande surface
30. Contrôle d'identité
Samedi 12 mai 1990 10h30, sur le chemin de Pouilly-en-Auxois. Pour la première fois, j’ai été arrêté par les gendarmes. Ils étaient trois : un dans une camionnette et deux en voiture. Je m’apprêtais à traverser la chaussée quand ils ralentirent près de moi, c’était comme si j’étais venu à leur
Sunday 13 May 1990
31. Contre l'intolérance
Dimanche 13 mai 1990 Cette profanation des tombes juives de Carpentras[1] : action destructrice sans discernement qui apparemment ne porte pas atteinte à la vie humaine quoiqu’il y ait des révoltes intérieures assimilables à des blessures. Mais les responsables ne sont-ils pas ceux qui ont laissé
32. Le Roi Arthur avait trois fils...
Dimanche 13 mai 1990 Chanson (sur l’air du Roi Arthur avait trois fils, quelle supplice…) : Le père Henry avait trois fils, quelle malice” Le premier se fit linguiste, le deuxième journaliste Et le troisième graphiste. … Pour n’avoir pas voulu chanter, ohé (bis) Tous les trois furent condamnés à ne
33. Châteauneuf-en-Auxois
Dimanche 13 mai 1990 Visite commentée d’un château près de Châteauneuf (inaudible ou presque, du moins au début) : […] Dijon n’était pas très loin. La chapelle a été construite en 1480. De l’autre côté de la fenêtre … Les carreaux de la plus belle pièce étaient vernissés, certains portent
Monday 14 May 1990
34. Le long du canal de Bourgogne
Lundi 14 mai 1990 Je longe le canal de Bourgogne, de La Bussière à Pont-d’Ouche. Il est 9 heures et demie du matin. J’ai passé la nuit à l’abbaye de La Bussière. Accueilli par un père fraternel qui m’a logé dans une petite chambre d’un bâtiment isolé, à côté de deux prêtres de passage. Il y avait là
35. Les couleurs de la nature
Lundi 14 mai 1990 Me voici déjà à l’écluse suivante, à 500 m. de la précédente, guère plus. Est-ce que vous vous rendez compte du nombre d’écluses qu’il fallut construire rien que pour un canal comme celui-ci ? La petite éclusière remplaçante n’était payée qu’au SMIG, 5000 Frs à tout casser, mais un
36. Bligny
Lundi 14 mai 1990 […] Leur adresse sur ma carte avec des vœux de bonne route ne suffisant pas à apporter la preuve de ma bonne moralité, il fallait à ces gendarmes le papier officiel auquel ils sont accoutumés, cette même carte d’identité nationale, unique instrument de reconnaissance absolue,
Tuesday 15 May 1990
37. Ablutions du matin
Mardi 15 mai 1990 Lusigny-sur-Ouche, 7 heures du matin. Un autre petit village médiéval où j’ai dormi cette nuit sous la tente. J’attends que le soleil sorte de la montagne car il fait froid dehors. La bonne chaleur intérieure de la nuit s’infiltre dans la paresse frileuse du réveil. Mais le jour
38. A mes fils
Mardi 15 mai 1990 Rappelez-vous mes fils que chaque matin un jour nouveau commence, différent d’hier et de demain, et le même depuis des millénaires. Différent parce que nouveau, et pourtant déjà rempli de mille petites choses identiques. Neuf parce qu’il sera vu autrement par chacun des regards
39. Le facteur Vauzelle
Mardi 15 mai 1990 Le facteur retraité célibataire du village est venu me voir hier soir à la fin de mon repas, et m’a dit : «J’avais envie de venir bavarder avec vous, je ne sais pas pourquoi, alors je me suis laissé aller à le faire, mais si je vous dérange, dites-le moi.» – «Non vous ne me
Wednesday 16 May 1990
40. Altercation
Mercredi 16 mai 1990 Il y a à Nolay des halles du XIVe siècle couvertes d’une extraordinaire charpente supportant une toiture en dalles de laves pesant 800 kg/m². L’agencement des poutres chevillées est tel que les poussées ou les écartements éventuels ne peuvent avoir lieu, grâce à des contreforts
41. Dialogue
Mercredi 16 mai 1990 Propos échangés avec un «indigène» rencontré peu après mon altercation avec les gendarmes de Nolay : […] les gendarmes de Nolay, en train de chercher la camelote, ah ben, ils ont passé par-dessus le toit, y se sont cassé la gueule dans le bas, dans l’magasin, ah ben y z’ont fait
42. Dans les vignobles des côtes de Beaune
Mercredi 16 mai 1990 Je suis plus ou moins la route du vignoble entre Beaune et Cluny. J’ai rencontré hier les premiers vignobles des Côtes de Beaune. On voit d’ailleurs déjà aujourd’hui quelques vignerons sulfater les jeunes feuilles sur pied ou nettoyer les parcelles. Je ne savais pas qu’il y
Thursday 17 May 1990
43. De Châtel-Moron à Germagny
Jeudi 17 mai 1990 J’ai passé la nuit dans le cimetière de la très vieille église de Châtel-Moron, datant du XIe siècle (chants d’oiseaux). Le bourg domine tout le pays et embrasse l’horizon depuis Châlons-sur-Saône à l’Est, jusqu’au Creusot à l’Ouest, par-dessus vallées, collines, forêts, champs de
Friday 18 May 1990
44. Ad rivum eundem lupus et agnus venerant, siti compulsi...
Vendredi 18 mai 1990 L’hôtel de Germagny était complet. Le gîte rural occupé. Mais les propriétaires m’ont installé dans une grange désaffectée sur un matelas de fortune parmi de vieilles machines agricoles où j’ai mieux dormi que sous ma tente. Le matelas étant très large j’ai pu étaler mon corps
45. Le jardinier et l'écrivain
Vendredi 18 mai 1990 Entre le cantonnier de jadis, avec son sarcloir et sa brouette nettoyant méthodiquement les bas-côtés du bout de chemin qui lui était assigné, fauchant à la main herbes et broussailles à l’aide d’une faux qu’il devait souvent affûter, et l’employé municipal d’aujourd’hui assis
46. Nanou et Marinette
Vendredi 18 mai 1990 J’ai fait un mauvais rêve cette nuit : je téléphonais à quelqu’un qui m’annonçait brusquement qu’Olivier avait eu un malaise et devait vraisemblablement être transporté pour se faire soigner. Rien de brutal mais quelque chose de lancinant, d’inquiétant. Il était 2 heures du
Saturday 19 May 1990
47. Taizé
Samedi 19 mai 1990 Hier soir je suis arrivé à Taizé. Cette communauté d’origine protestante fondée en 1949 par Roger Schultz fit bien parler d’elle à la Faculté de théologie de Paris où j’étais alors étudiant. Une institution de moines protestants n’allait-elle pas à l’encontre des fondements de
48. Cluny
Samedi 19 mai 1990 L’abbaye de Cluny, du moins le peu qu’il en reste, n’a plus d’activité religieuse. Elle est devenue un collège technique et les communs, de grandes écuries du XVIIème siècle, des haras pour chevaux de course. Ouverte au public, elle attire beaucoup de monde. La ville de Cluny, qui
Monday 21 May 1990
49. Le sourire au pied de l'échelle
Lundi 21 mai 1990 J’ai quitté Cluny à 8 heures moins le quart. Il est maintenant 5 heures de l’après-midi. Je viens de gravir l’un de mes premiers cols et j’entre à présent dans le Forez. Hier Olivier, Stella et Jérôme sont venus me voir. Ce fut l’un de mes plus grands plaisirs depuis longtemps.
Tuesday 22 May 1990
50. Col de la Croix d'Auterre
Mardi 22 mai 1990 À 6 heures, ce matin, il faisait très froid sous ma tente. Il y avait de la brume dehors et la pelouse était perlée de rosée blanche. J’ai chauffé mon café au lait, assis à l’intérieur, à mes risques et périls, me faisant une grande peur en imaginant ce qui arriverait si le réchaud
51. Souvenir et Mémoire
Mardi 22 mai 1990 Aujourd’hui 22 mai 1990, mardi matin. Je ne savais pas ou jeter mon carton vide de lait entier Candia – je viens de le terminer en marchant – alors j’en ai coiffé un poteau de barrière, pour habiller le paysage d’une couleur de plus, et publiciter mes chères charolaises lactifères.
52. De l'éducation
Mardi 22 mai 1990 J’ai passé trente ans de ma vie à enseigner, former, éduquer parmi tant d’autres et pourtant nous tous professeurs, éducateurs, parents éclairés, nous ne sommes qu’une toute petite minorité eu égard au nombre incalculable de gens qui n’ont rien reçu, sinon quelques bribes de
53. Du progrès
Mardi 22 mai 1990 On devrait remplacer le service militaire par un deuxième cycle d’éducation qui corrigerait et prolongerait le premier – un art de vivre en fonction de l’intention de chacun. Le plus important devrait être une révision des connaissances, vers 40-50 ans. Les hommes et les femmes de
54. Du gouvernement
Mardi 22 mai 1990 Le cœur est à gauche, dit-on. Il a des raisons que la raison, à droite, ne connaît point. La droite serait-elle plus intelligente que la gauche ? Il y a pourtant des intellectuels de gauche. Ce sont ceux qui pensent. Leur idéologie est le plus souvent socialiste, collectiviste,
55. Fils, femmes, fermes
Mardi 22 mai 1990 Ce petit café-épicerie des Barres était merveilleux, le seul débit familial de campagne rencontré jusqu’ici. Les gens viennent de loin pour y manger car la cuisine est bonne, bourgeoise, bien préparée et peu chère : 50 Frs le menu complet avec vin à volonté, beurre en motte,
56. Inventer le futur, interpréter le passé
Mardi 22 mai 1990 Des châtaignes. Je finirai bien un jour par trouver un tapis de mousse où m’allonger. J’ai dormi cette nuit sur des piquants … L’histoire se construit à partir de témoignages authentiques choisis au hasard de nos chances. C’est ainsi qu’on remplit un vide historique par des
57. Conversation téléphonique
Mardi 22 mai 1990 Ce que mon dictaphone ne dit pas, ce sont les temps d’arrêt entre deux séquences verbales. J’ai l’air de parler tout le temps et à bâtons rompus, mais il y a de long silences, inégalement répartis, qui peuvent donner au verbe une autre dimension Conversation téléphonique : Oooui …
58. Considérations philosophiques
Mardi 22 mai 1990 Mes héros romantiques sont Werther, Ruy Blas, Lorenzaccio, Lamartine et Cyrano. À Paris, je suis allé boire un petit coup avec Verlaine et je ne crois pas que Rimbaud m’aurait beaucoup plu. Du moins en prise directe, face à moi. Un peu comme Jacques Pajak. On se serait apprécié,
Friday 25 May 1990
59. L'itinérant
Vendredi 25 mai 1990 Je n’ai pas encore parlé de Charlieu, où je me suis arrêté (mercredi 23 mai) pour dormir. Elle possède une superbe abbaye du XIIIème siècle construite sur les ruines de trois anciennes églises et un monastère bénédictin primitivement rattaché à Cluny au milieu du Xème siècle. Le
60. Le calvaire
Vendredi 25 mai 1990 Entre Renaison et Saint-Just, à 753 m d’altitude. Un petit calvaire avec une croix bizarre en fer dont les bras se terminent par deux mains. Un vieux monsieur de 78 ans est venu me demander ce que je faisais là : «C’est un lieu privé, et devant la croix il faut faire une
61. L'impulsion du départ
Vendredi 25 mai 1990 Ah l’odeur des sapins (Ah l’odeur des lys, aurait dit Cadou) ! Immédiatement ma mémoire s’installe dans le bois du Devin, à La Rogivue et me voilà revivant la peur de mon enfance lorsqu’à 5 ou 6 ans je me retrouvai seul en train de ramasser des «pives» pour le feu, une corvée
Saturday 26 May 1990
62. Hôtel New Hampshire
Samedi 26 mai 1990 Sur le chemin de Noirétable, 9 heures. Hier j’ai battu mon record de marche toutes catégories : 36 km dans la même journée ! Mais j’ai été récompensé de mes efforts, car je suis arrivé à Saint-Just-en-Chevalet en n’espérant trouver qu’un hôtel quelconque pour la nuit et je suis
63. Rêveries d'un promeneur solitaire
Samedi 26 mai 1990 Il n’y a rien de pire pour un marcheur qu’un croisement d’autoroute ! Et quand il s’agit d’une route à grande circulation – les petites routes, elles, passent dessus ou dessous – cela devient infernal. D’abord il y a les barrières qui empêchent de couper court au trèfle abhorré.
Sunday 27 May 1990
64. Vollore-Montagne
Dimanche 27 mai 1990 J’ai dormi 9 heures d’affilée à Vollore-Montagne dans un hôtel restaurant confortable mais mon sommeil fut entrecoupé de rêves compliqués, aux multiples personnages et des bateaux : je devais réparer l’un d’entre eux, je ne le faisais pas et l’on se demandait pourquoi. Il y
65. Du choix des élus
Dimanche 27 mai 1990 Vollore-Ville, à 8 km de Vollore-Montagne, possède une très vieille église du XIIème siècle dont deux des chapiteaux de colonnes de la nef sont assez extraordinaires. Ils révèlent une tradition qui me paraît bien remonter à l’époque celte, par la façon dont les animaux sculptés
66. Cyclistes et gendarmes
Dimanche 27 mai 1990 Je viens de passer devant un centre de cyclotourisme où j’ai bavardé avec un couple du 3ème âge parti ce matin à vélo de je ne sais plus où avec quelques autres membres amis de leur club favori pour repartir tout à l’heure tranquillement, après un bon déjeuner dominical, sur des
67. De l'éthique et de l'utopie
Dimanche 27 mai 1990 Petite sieste dans la mousse au pied d’un chêne, au bord d’un ruisseau. Bien sûr, ce serait mieux si j’étais avec quelqu’un mais tout seul, ce n’est pas mal aussi. On peut laisser aller à sa guise ses pensées, ses idées, ses fantasmes. Avec quelqu’un d’autre, on n’est jamais
68. La mouche du coche
Dimanche 27 mai 1990 Je m’en vais d’un bon pas vers Saint-Dier-d’Auvergne que je compte rejoindre dans une petite heure. Les mouches en ce début d’été sont collantes, de vraies mouches du coche. Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé, Et de tous les côtés au Soleil exposé, Six forts chevaux
Monday 28 May 1990
69. Dans l'ordre des choses
Lundi 28 mai 1990 Il est un peu plus de 8 heures. L’Ardèche est une belle région. Il y a toutes sortes de visites et d’excursions à faire par ici. Il y a même un petit train panoramique de Courpière à Ambert et Arlanc mais il n’entrera en fonction qu’au mois de juillet. Je l’aurais bien pris … Dans
70. L'itinérant (suite)
Lundi 28 mai 1990 C’était la fête au village tout à l’heure : je me suis bien diverti à regarder ces énormes tracteurs fleuris de papillotes, imitant les chars de carnaval d’antan, qui eux étaient tirés par des chevaux. Les outils de travail actuels vont plus vite que la mentalité de ceux qui les
71. Bavardages
Lundi 28 mai 1990 Le couple que je viens de rencontrer est franchement extraordinaire : elle a 81 ans et son ami un petit peu moins. Je leur avais demandé un renseignement sur la route à prendre et je me suis retrouvé dans leur cuisine en train de prendre avec eux le petit déjeuner. Ils m’ont à
72. Le zéro et l'infini
Lundi 28 mai 1990 Tu vois ce petit rond, là ? C’est toi. Tu as un papa et une maman, non ? Et bien on va mettre au-dessus deux autres petits ronds, comme ça. Mais ta maman doit avoir une maman et un papa, oui ? Alors on va les mettre encore au-dessus. Et ton papa aussi a une maman et un papa. Bon,
73. Le postulat d'Euclide
Lundi 28 mai 1990 L’ortie pique et pourtant elle n’a pas de piquant comme la rose ou le roncier. Et pourquoi y a-t-il des fleurs blanches, des fleurs rouges et d’autres bleues, ou jaunes, mais jamais vertes ? Et pourquoi des mauvaises herbes qu’on arrache, qui peuvent faire mal, et même tuer ? Les
74. Odeurs et tempéraments
Lundi 28 mai 1990 C’est quoi les odeurs ? On peut penser qu’elles n’existent que pour l’homme qui les juge agréables ou désagréables. Ne font-ils pas tout ce qu’ils peuvent pour ne pas sentir la merde ? S’ils fabriquent des parfums, c’est bien qu’ils recherchent les bonnes odeurs. Les odeurs jouent
75. Avis de recherche
Lundi 28 mai 1990 Des automobilistes commencent à me faire signe, de leur volant. Le climat change, on va vers le Sud, même si des voitures vont vers le Nord ; 71, c’est quel département déjà ? Ah oui, ça doit être la Saône-et-Loire. Je serais donc déjà … là ! Quelqu’un m’a dit tout à l’heure qu’un
76. Le loup du Gevaudan
Lundi 28 mai 1990 Je m’approche du Loup du Gévaudan, je viens de voir une pancarte indiquant la direction à l’est du Moulin au Loup. Alors attention, ne pas camper n’importe où cette nuit, si la chasse au Dahu est ouverte… Aïe, encore ce petit orteil qui fait des siennes. Je ne sais pas ce qu’il a,
77. Savoir-vivre
Lundi 28 mai 1990 Dans le petit bistrot où je suis en train de boire une bonne bière bien fraîche, il y a une affiche dont je n’arrivais pas jusqu’ici à en comprendre le sens : AFFICHE … CETTE LIRE DE ESSAYER A CON D’UN L’AIR J’AI QUE MOMENT BON UN FAIT ÇÀ. J’étais prêt à demander au patron de me la
78. Prudence et petits pas
Lundi 28 mai 1990 Peur d’avoir oublié quelque chose d’important quelque part et d’être obligé de retourner le chercher, un peu comme l’angoisse du navigateur solitaire craignant de tomber à l’eau … … Tombé nez à nez avec une dizaine de vaches dans un pré que je traversais pour rejoindre la route …
Wednesday 30 May 1990
79. Remise en marche
Mercredi 30 mai 1990 Me voici en dehors d’Issoire, je suis parti ce matin mercredi 30 mai, un peu tard car j’ai eu quelque mal à reprendre la route après une journée entière de repos. Le ciel est couvert, il ne fait donc pas trop chaud. Le chemin que j’emprunte longe l’autoroute jusqu’à
80. Arrêt et mouvement
Mercredi 30 mai 1990 Dès qu’on s’arrête, immédiatement les lois d’inertie, de stabilité, de conservation et de permanence, d’immobilité, retrouvent leur priorité. Plus on s’installe dans l’arrêt, moins il devient facile de passer du côté du mouvement. Mais plus on avance et plus on bouge. Plus on
Thursday 31 May 1990
81. Témoins du passé
Jeudi 31 mai 1990 10h30, entre Lempdes et Massiac, dans les gorges de l’Alagnon. Belle route qui longe la rivière entre rochers et forêt, châteaux sur les hauteurs. Beau temps, mais trop de voitures sur cette N9/E11 très fréquentée, futur prolongement de la route Clermont-Issoire et qui doit